Monsieur Zahnd, à quels changements les responsables en ressources humaines ont-ils fait face ces dernières années?
Il y a encore cinq à dix ans, ils rédigeaient les descriptifs de poste à pourvoir, procédaient à la sélection des candidats, menaient les entretiens d’embauche, et étaient responsables de la communication avec la ligne hiérarchique. La devise «Post and pray» (publie et prie) était – et l’est toujours en partie – plutôt la règle. Entre-temps, de nombreuses nouveautés sont apparues: la marque employeur, le SEO, le responsive design, le webdesign, l’analyse et le contrôle de la performance et du trafic, les médias et réseaux sociaux, l’active sourcing, le content marketing et la vidéo. Des éléments qui ont complexifié et diversifié les procédures de recrutement.
De quoi devraient tenir compte les PME qui ont des moyens limités?
Emboîter le pas à chaque nouvelle tendance, au risque de perdre de vue l’essentiel, n’est pas une option pour les PME. L’objectif premier consiste surtout à atteindre de manière la plus ciblée possible les candidats potentiels qui deviendront de bons collaborateurs. C’est pourquoi la première étape comporte la définition du profil recherché et le «lieu» où le trouver. Toute procédure de recrutement relève d’un petit concept marketing en amont.
Les portails de l’emploi perdent-ils leur raison d’être?
S’il est vrai qu’on évolue plutôt vers des mises en place de campagnes de recrutement et qu’on s’éloigne du seul geste de publier une annonce, les portails de l’emploi s’avèrent aujourd’hui encore comme les plus efficaces, suivis de près par les sites carrière des entreprises et les recommandations des collaborateurs. C’est pourquoi il est primordial que le contenu des annonces en ligne soit d’une part attractif, d’autre part optimisé pour Google, pour les autres moteurs de recherche et pour les appareils mobiles. Condition sine qua non pour que celui qui cherche trouve l’annonce.
Le recrutement via les mobiles est-il donc une tendance à suivre?
Absolument. Le smartphone se transforme de plus en plus en télécommande à distance de notre vie, et la recherche d’emploi n’y est pas épargnée. Imaginez, aujourd’hui déjà, une personne sur quatre mène ses recherches via un smartphone. Raison de plus pour que les entreprises adaptent leur site Internet aux appareils mobiles (ce qu’on appelle le responsive design). Par ailleurs, il faudrait que les candidats potentiels puissent déposer leur candidature avec le moins de clics possible, et quel que soit le moyen qu’ils utilisent à cet effet (téléphone portable, mail ou leur profil sur les réseaux sociaux).
Le recrutement via les réseaux sociaux est-il rentable?
Pour les PME et dans la plupart des cas, il n’est pas profitable, car si elles souhaitent assurer une présence en ligne et obtenir un certain succès sur les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram ou Snapchat, elles doivent fournir une quantité non négligeable de contenus hautement qualitatifs. C’est un exercice qui coûte cher. Toutefois, le recrutement via des réseaux sociaux professionnels comme Linkedin et Xing vaut la peine qu’on s’y intéresse. Ces plateformes se sont transformées partiellement en portails indépendants de l’emploi, voire en ont fait l’acquisition.
Quel est le futur de l’offre d’emploi?
La transparence prend ses lettres de noblesse: avant de postuler, les candidats veulent recevoir un aperçu de l’entreprise. Déjà aujourd’hui, on trouve dans de nombreuses offres d’emploi des vidéos de la marque employeur ou présentant l’activité de l’entreprise. Dans le futur, les employeurs produiront de plus en plus de vidéos 360 degrés décrivant le poste de travail et l’environnement de l’entreprise. Une autre tendance consiste à évaluer les employeurs, ce que font des sites comme Kununu ou Glassdor qui proposent même les boutons de liens vers les offres d’emploi en ligne. Chez Xing, les évaluations de Kununu sont automatiquement reliées aux offres. Kununu appartenant à Xing, ceci explique cela. Les offres d’emploi de grandes entreprises comme Swisscom ou les CFF représentent déjà aujourd’hui des microsites de la marque employeur. Toutes ces nouveautés vont certainement encore se développer dans le futur.
La «guerre des talents» continue. Comment les entreprises vont-ils y faire face?
Dans un contexte de pénurie de personnel qualifié, les pools de talents et le community management confirmeront leur importance. À grand renfort de la marque employeur, les entreprises de plus grande taille développent leur propre pool de talents et leur communauté en ligne. Je me permets un doute sur le rapport coût-bénéfice de chacun de ces projets. En effet, l’investissement en vue de créer un pool de talents et de l’entretenir par la suite se révèle très élevé, et finalement, au terme d’une journée, seul le nombre de postulations que le pool a générées compte vraiment dans l’addition.
En quoi un pool de talents est-il utile à une PME?
En considérant uniquement l’aspect financier, le développement de tels pools s’avère déjà pour la grande majorité des cas une mission impossible. Dès lors, les réseaux sociaux professionnels et les banques de données de CV qui œuvrent en tant que pools de talents externes se révèlent de plus en plus importants pour ces entreprises. Xing et Linkedin proposent des solutions de recrutement qui permettent de dénicher des talents et d’assurer la gestion de leurs dossiers. Les banques de données de grands portails de l’emploi représentent également une réponse intéressante.
Comment fonctionne tout cela?
Les responsables du personnel cherchent sur Internet les profils de talents correspondant aux postes à pourvoir et les contactent directement. Cette procédure exige toutefois un investissement en temps important et une grande expérience, car ici, on est dans le cas de figure où l’entreprise «postule» comme potentiel employeur, et pas l’inverse. La personne chargée de cette mission doit être dotée de tact, sans compter le fait que ce type de processus contredit les règles usuelles du recrutement. Dans une situation idéale, on engage une personne spécialisée en ressources humaines qui a l’habitude d’aborder directement les candidats, ou alors, on fait appel à l’accompagnement d’une société de recrutement.
Parlez-nous d’autres tendances ou nouveautés.
À long terme, deux tendances prépondérantes se démarqueront dans le recrutement, à savoir les analyses prédictives dans le domaine RH (predictive analytics) et le recrutement automatisé. Moyennant les analyses prédictives basées sur l’évaluation de données existantes (big data), les responsables RH souhaitent simplifier la prise de décisions complexes. L’idée ici est de connaître à l’avance les résultats d’une mesure que l’on va prendre. Par exemple, obtenir à l’avance le nombre de candidatures qu’un canal de communication X rapportera.
Des robots qui relaient des hommes dans les procédures de recrutement, ne nageons-nous pas en pleine science-fiction?
Pas du tout, et c’est déjà aujourd’hui la réalité, même en Suisse. Certaines entreprises utilisent des systèmes appelés «bot» qui évaluent les profils. Ces logiciels analysent le matching candidats-descriptif du poste, à savoir qu’ils vérifient si les profils des candidats correspondent bel et bien aux descriptifs des fonctions à pourvoir. Les résultats sont souvent contrôlés par un responsable des ressources humaines qui envoie un feed-back à la machine qui à son tour va intégrer les nouvelles informations. Ainsi, l’ordinateur affine son champ d’évaluation. À terme, l’idée est bien sûr que l’ordinateur prenne entièrement le relais. Il existe déjà aujourd’hui des robots capables de détecter à travers le visionnage d’une vidéo d’un candidat si celui-ci est engagé, motivé et sincère. Le développement de chatbots constitue l’étape suivante.
Des chatbots?
Oui. Un chatbot est un système qui recherche sur les plateformes en ligne des candidats potentiels et qui les contacte. Grâce à un logiciel intelligent, ces «agents» informatiques répondent aux questions des candidats, communiquent jusqu’à un certain point avec eux, et prennent même la décision de transférer le dossier à un responsable RH ou pas. Ensuite, le dossier est repris en main par un humain. Qui sait ce que le futur nous réservera encore, c’est vraiment palpitant!
Devenez un as du recrutement en suivant ces quelques conseils
- Participez régulièrement à des manifestations comme les Recruiting Conventions ou les journées du recrutement et informez-vous sur les dernières nouveautés. Échanger avec d’autres participants est un bon moyen pour se rassurer et garder les pieds sur terre.
- Avant de lancer une procédure de recrutement, définissez le groupe cible correspondant au poste et trouvez le canal de communication sur lequel ce groupe cible sera le plus facilement atteignable.
- Adaptez votre site Internet aux appareils mobiles (responsive design) pour ne pas perdre en route les utilisateurs de smartphone.
- Facilitez la tâche aux candidats. Si le courriel est encore indispensable, faites en sorte que la postulation soit possible en un seul clic si vous cherchez un collaborateur dans un domaine où il y a pénurie de personnel qualifié.
- Travaillez la rédaction de l’annonce en ligne. Le SEO est essentiel si vous voulez qu’on trouve votre annonce via Google et les autres moteurs de recherche.
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À propos de Raphael Zahnd
Raphael Zahnd est responsable Brand Management & Innovation chez Careerplus. Expert en management de l’innovation, il s’est également spécialisé dans le marketing en ligne, le content marketing dans le domaine des RH et du personnel, dans la marque employeur, la gestion de la marque, ainsi que dans le recrutement online et sur les réseaux sociaux. Il étudie de très près les évolutions du recrutement et du travail 4.0.