Internet et les réseaux sociaux offrent pléthore d’informations personnelles sur les candidats: liens familiaux, amis, réseaux, opinions personnelles et préférences, orientations politiques et religieuses. Et sûrement aussi des réponses à des questions que l’on ne peut pas poser officiellement lors de l’entretien d’embauche. Un récent sondage de Careerplus révèle d’ailleurs que 43% des entreprises interrogées recherchent sur Internet des informations supplémentaires à propos des candidats.
Parmi elles, 80% s’informent sur Google, 90% sur Xing/LinkedIn, et la moitié sur Facebook. Les recruteurs ont-ils vraiment le droit de mener ces recherches?
Une arête étroite en trois actes
Premier acte: la recherche sur Internet évolue sur un terrain juridique épineux. Les données du candidat sont-elles accessibles publiquement, et sont-elles pertinentes pour les futurs rapports de travail? Voilà les deux éléments décisifs à retenir quand on mène des recherches sur Internet. Le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) Hanspeter Thür explique la situation: «Il y a une différence entre les données accessibles publiquement et celles protégées par un mot de passe. On trouve les premières par le biais d’une recherche simple sur Internet et elles ne peuvent échapper aux investigations du recruteur.»1 On en déduira que la recherche d’informations qui sont accessibles sans mot de passe est légalement autorisée. Or, les avis divergent, comme le montrent les deux positions suivantes: le professeur Dr Thomas Geiser de l’Université de Saint-Gall estime «qu’il est permis d’exploiter des informations accessibles publiquement sur Internet à des fins de sélection lors de procédures de recrutement». Au contraire, Philipp Meier, avocat spécialisé en droit du travail, soutient que «le screening de candidats via des moteurs de recherche comme Google doit être considéré comme illicite. La jurisprudence motive cette allégation par le fait que les résultats de la recherche ne sont pas forcément liés aux rapports de travail.»2
Deuxième acte: l’article 328b du Code des obligations suisse stipule que «l’employeur ne peut traiter des données concernant le travailleur que dans la mesure où ces données portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l’exécution du contrat de travail». En clair, les informations recherchées sur Internet doivent être liées aux rapports de travail. Plus concrètement, pour un travail de bureau, un recruteur ne peut pas demander à une femme si elle est enceinte. En revanche, il pourra le faire légitimement si elle postule pour un poste de ballerine. N’oubliez pas: quand on dit «traiter des données», cela commence déjà par la simple recherche des informations sur Internet.
Troisième acte: selon les articles 4 à 7 de la loi fédérale sur la protection des données (LPD), les données personnelles doivent être collectées dans le cadre légal, traitées uniquement dans un but lié aux rapports de travail, et leur traitement doit être connu du candidat. En bref: sans l’accord du candidat, aucune recherche ne peut être effectuée. On peut donc en déduire que la consultation des profils sur Xing et LinkedIn est légale, puisqu’il s’agit expressément de réseaux sociaux professionnels. Par ailleurs, le candidat peut voir dans la plupart des cas qui a consulté son profil. Sur Facebook, c’est différent: les informations sont personnelles et privées, elles n’ont donc aucun but professionnel et le candidat ne voit pas qui a visité son profil.
Exploiter les données personnelles oui, mais avec conscience professionnelle
Au vu de la situation juridique susmentionnée, il est conseillé aux recruteurs de pratiquer la retenue lors de leurs recherches sur Internet, d’être conscients du terrain épineux sur lequel ils évoluent, et de connaître les limites imposées par la loi. Au mieux, il leur est suggéré de respecter l’adage «Aussi peu que possible, autant que nécessaire». Les candidats portent toutefois aussi leur part de responsabilité: sur les réseaux sociaux personnels de type Facebook, il leur est recommandé de paramétrer les critères de confidentialité correctement et d’avoir conscience que ce qu’ils publieront sera visible.
Les responsables RH devraient au moins informer les candidats de leurs recherches si celles-là ont influencé la sélection. Le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) Hanspeter Thür le recommande aussi: «Si l’employeur, lors de ses recherches sur Internet, découvre des contenus problématiques, il est tenu de proposer dans tous les cas au candidat la possibilité de prendre position.»2
1 Source: EDÖB Newsletter 01/2012, «Arbeitgeber-Recherchen in sozialen Netzwerken»
2 Source: HR Today, mai 2015
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Dans notre série «Conseils sur la sélection du personnel»
nous vous montrerons dans 15 jours les astuces pour reconnaître un bon certificat de travail et nous vous ferons part des mythes et réalités autour des langages codés.