Madame Teismann, en tant que responsable de projet au sein de l’entraide EPER, que signifie pour vous l’«égalité des chances»?
Tous les êtres humains devraient bénéficier des mêmes conditions de départ selon leurs compétences et leurs possibilités. Ils devraient voir accès au marché du travail en fonction de leurs aptitudes, indépendamment de leur nationalité, de leur sexe, de leur religion et de leur diplôme de fin de scolarité . Si nous utilisons au mieux nos différences, tout le monde en bénéficiera. C’est à ce niveau qu’intervient le projet MosaiQ de l’EPER, qui effectue un travail de sensibilisation autour du fait que l’égalité des chances ne devrait pas se limiter à une mention sur une feuille de papier, mais doit avant tout être vécue dans la société.
Dans le cadre de MosaiQ, vous aidez des migrantes et migrants hautement qualifiés à trouver un emploi. Quel est la problématique principale?
Le projet MosaiQ se concentre sur des personnes issues de la migration disposant d’une formation tertiaire ou d’expériences professionnelles préalables. Ces personnes ont souvent du mal à trouver un poste correspondant à leurs capacités et leurs qualifications. Ce n’est certes pas un problème pour la main d’œuvre qualifiée de trouver un emploi quelconque, mais cela conduit à des situations où, par exemple, une dentiste travaille en tant que technicienne de surface à l’aéroport. Outre le fait que c’est frustrant pour cette personne, cela rend ce poste indisponible pour une personne qui n’a réellement aucune autre formation. C’est un déséquilibre.
Quels sont les plus grands obstacles?
La reconnaissance des formations et diplômes étrangers est le premier obstacle. Une autre barrière est la maîtrise de la langue allemande. Par ailleurs, certains profils professionnels n’existent pas du tout en Suisse. A titre d’exemple, nous avions dans notre programme un minéralogiste spécialisé dans des pierres inconnues ici. Ou encore, une femme d’Afrique du Sud qui était directrice d’exploitation d’un élevage avicole comprenant des milliers d’animaux. De telles entreprises n’existent pas ici. En tant que conseillers ou conseillères chez MosaiQ, nous devons souvent faire preuve de créativité pour trouver des solutions adaptées pour des personnes présentant des profils très spécifiques.
Comment se sentent les personnes concernées pendant cette démarche?
Pour elles, la recherche est épuisante. Une partie de notre travail consiste à leur montrer des perspectives et leur faire prendre à nouveau conscience de la valeur de leur formation, de leur expérience et de leurs diplômes. Les difficultés qu’elles éprouvent dans la recherche d’un emploi adapté n’ont rien à voir avec leur personne. C’est parfois un travail de longue haleine. Dans de nombreux cas, nous parvenons cependant à trouver une solution qui fait office de passerelle, que ce soit un cours d’allemand, un stage, un poste d’apprentissage ou même un emploi.
D’après vous, quelles mesures sont nécessaires pour garantir l’égalité des chances dans le monde du travail?
C’est une question difficile. Je pense que nous devons mettre encore plus en évidence la valeur ajoutée qu’apporte l’égalité des chances. Nous ne devons pas avoir peur de ce qui est différent ou étranger. A l’EPER, nous pouvons contribuer à cela en parlant des exemples issus de notre expérience et en montrant que cela vaut la peine de donner sa chance à chaqu’un.
Pourquoi l’égalité des chances est-elle importante? Quelle est sa valeur ajoutée?
Pour les entreprises, les migrantes et migrants qualifiés constituent un enrichissement en matière de savoir-faire. Ils apportent leurs connaissances et peut-être de nouvelles manières de voir les choses. En ce qui concerne l’égalité des chances entre les hommes et les femmes également, il a été prouvé que les équipes mixtes sont beaucoup plus productives que celles composées uniquement d’hommes ou de femmes. A mon avis, d’une manière générale, la mixité est enrichissante pour la société. Prenez simplement l’exemple de la nourriture: quand les premiers travailleurs immigrés italiens sont arrivés en Suisse, ici, on ne connaissait ni la pizza ni les pâtes.
Le coronavirus a-t-il des conséquences sur votre travail ou d’une manière générale sur l’égalité des chances?
La situation est plutôt bénéfique pour le projet MosaiQ, car les entreprises proposent volontiers des postes de stagiaires en ce moment. Cependant, en général, l’égalité des chances est sans aucun doute mise à rude épreuve par le coronavirus. Les personnes qui n’ont pas les moyens de s’offrir un ordinateur par exemple, sont nettement désavantagées. Pour d’autres, le coronavirus peut constituer une opportunité car la numérisation lève les frontières. Certains de nos participants par exemple, n’ont pas le droit de se rendre à l’étranger du fait de leur statut de séjour. Si les discussions se déroulent désormais en ligne, cela peut être un avantage pour eux.
Comment pouvons-nous contribuer à l’avancement de l’égalité des chances en tant que société?
Nous pouvons rester ouverts et curieux et nous intéresser à l’autre personne. Nous avons vraisemblablement tous eu notre chance un jour ou l’autre et avons ainsi pu faire nos preuves. Les opportunités sont essentielles, indépendamment du contexte social. Il est important de toujours garder cela en tête.