La plus-value de la lettre de motivation fait couler beaucoup d’encre auprès des experts en recrutement. Alors que certains jugent le CV suffisant pour savoir s’il faut oui ou non inviter un candidat à un entretien d’embauche, d’autres estiment que la lettre de motivation fera pencher la balance. Dans notre article «Les pour et les contre», Raphael Zahnd, responsable Brand Management & Innovation chez Careerplus, et Claudia Sebald, responsable Conseil & Rédaction des contenus chez Infel SA, s’entretiennent sur le bien-fondé des lettres de motivation.
Claudia Sebald, responsable Conseil & Rédaction des contenus, Infel SA, Zurich
Le premier survol des dossiers de postulation dure généralement cinq minutes, juste le temps de décider sur quelle pile chaque candidature finira sa route: pile A, B ou C. Je procède de la même façon. Après un bref examen du CV et des éléments factuels, à savoir les qualifications et l’expérience professionnelle, je consacre le reste du temps à la lettre de motivation. A ce moment-là, je ne touche pas encore aux certificats, d’autant plus que je n’en pense pas le plus grand bien. En effet, alors que bientôt tous mentionnent qu’ils ne sont pas codés, vous constatez en les lisant qu’ils sont truffés de mots du codage classique, comme «toujours», «estimé de tous», «très apprécié», «à notre entière satisfaction». Bref, des phrases futiles qui ne disent rien sur le candidat.
C’est pourquoi la lettre de motivation gagne ici toute son importance. Pour moi, elle représente LA chance pour le candidat de mettre en lumière sa réelle motivation. C’est ici que je vois s’il est crédible, s’il a postulé pour des raisons fondées en les exposant de manière originale et personnelle, et s’il y a mis de l’émotion. J’ai envie de sentir la différence, le pourquoi il veut exactement ce poste et pas un autre. Je n’ai pas envie de lire des banalités et des phrases toutes faites. La répétition du parcours professionnel qu’on retrouve déjà dans le CV n’apporte pas de valeur ajoutée et rallonge la lettre inutilement. Je préfère les écrits non conventionnels. Si le candidat suscite mon intérêt, éveille ma curiosité et me convainc, il franchit le premier obstacle et la plupart du temps, il est invité à un entretien. Bien sûr, cette approche est liée à notre activité. La communication étant intrinsèquement liée au langage, comment pourrais-je vendre du storytelling si je ne le vis pas moi-même?
En résumé: La lettre de motivation est selon moi le document le plus personnel de tout le dossier de postulation. C’est pourquoi il représente souvent le critère décisif qui me conduira à inviter un candidat ou pas.
Raphael Zahnd, responsable Brand Management & Innovation, Careerplus SA
La pénurie de personnel qualifié ainsi que la transformation digitale changent le marché du travail, et avec lui, la procédure de postulation. Aujourd’hui, les candidats postulent de manière plus spontanée, rapide et mobile. Cela peut être un petit clic sur une page carrière, une connexion via un profil sur les réseaux sociaux ou une réponse à un contact direct. Une lettre de motivation est donc ici superflue, voire n’a pas sa place.
Par ailleurs, combien de fois lisez-vous réellement une bonne lettre de motivation? Personnellement, presque jamais. La plupart d’entre elles transpirent l’effort de l’écriture, sont très longues et ennuyeuses ou regorgent d’autolouanges. Rares sont les candidats qui réussissent à rendre crédibles leurs profondes motivations dans une lettre standard. Ceux qui ne le font pas ne sont donc pas forcément exempts de motivation, et cela n’exprime pas non plus leur personnalité. Ils sont simplement moins doués que d’autres pour écrire une lettre de motivation. C’est pourquoi je regarde plutôt le CV ou le profil du candidat sur les réseaux sociaux. Je reconnais tout de suite si ses qualifications sont adaptées au poste. Ensuite seulement, j’enquête sur sa motivation et sa personnalité, non pas en interprétant le contenu d’une feuille A4, mais directement lors d’un entretien téléphonique ou d’un premier entretien structuré.
En résumé: J’estime que les lettres de motivation ne font plus partie de notre époque. J’évalue les motivations et les qualifications d’un candidat plus simplement et efficacement via son CV ou un entretien personnel.