Le drone remplacera le facteur, le système de scanning la caissière: les machines et les robots occupent de plus en plus d’espace dans notre quotidien professionnel. Ils démontrent sans équivoque à quel point la numérisation a modifié notre manière de travailler. Quelles sont alors les aptitudes et les compétences qu’on exigera des collaborateurs dans le futur? Comment doivent-ils se préparer au mieux pour réussir la transformation digitale? Et dans ce contexte, quel rôle doivent jouer les départements de ressources humaines et les responsables hiérarchiques?
Joël Luc Cachelin est entrepreneur, auteur, expert en transformation numérique et consultant en entreprise. Dans le cadre des Clubs RH de Careerplus, il a proposé des réponses à ces questions essentielles. «La digitalisation est aujourd’hui le moteur le plus important de la société. Elle modifie la vie interne et externe d’une entreprise, elle crée de nouveaux besoins aussi bien chez les collaborateurs que chez les clients, elle déclenche un nouveau type de concurrence, et entraîne aussi de nouvelles opportunités sur les différents marchés.» Si une entreprise veut rester attractive sur le marché du travail, elle est contrainte d’empoigner le sujet de la numérisation, dit Cachelin. Dans son travail d’accompagnement des sociétés dans leur processus de transformation digitale, il a développé trois facteurs clés de succès.
Facteur clé de succès no 1: comprendre et exploiter la transformation numérique
Dans les coulisses de la transformation digitale se cache un seul grand thème: le réseau. Le réseau technique, social et économique. «Il faut comprendre la notion de ‹réseau› et l’amener dans les entreprises», dit Cachelin. «Le réseau technique est le plus évident. En effet, il englobe la totalité de l’environnement digital. Par exemple, les appareils mobiles permettent aux collaborateurs de travailler indépendamment du lieu et des horaires.» Il est donc important qu’une entreprise tienne compte de ces nouveaux besoins et qu’elle mette à disposition les moyens technologiques y relatifs.
Le réseau social est venu se greffer à cet environnement digital, ce qui érode de plus en plus les contrastes entre le monde digital et physique. Dès lors, les entreprises doivent se demander comment faire pour concilier ces deux univers. Bien sûr, il est important que les collaborateurs puissent travailler partout, mais en parallèle, on constate que le lien humain et le contact physique regagnent de l’importance.
Finalement, le réseau économique circonscrit l’économie de partage (ou collaborative), une économie déjà bien exploitée dans de nombreux domaines de nos vies privées. Une évolution qui touche désormais aussi le monde du travail et qui dévoile elle aussi les deux faces d’une même médaille, poursuit Cachelin: «L’organigramme ressemble de plus en plus à une place de marché où l’on échange des compétences contre un temps partiel. Ce système implique tout à la fois liberté et politique d’économie.»
Résumons:
Les RH offrent une plus-value au moment où
- elles ont compris la transformation numérique,
- elles la considèrent comme une évolution positive,
- elles tiennent compte des risques et des effets secondaires.
Facteur clé de succès no 2: s’orienter vers les compétences du futur
Avec les trois types de réseau susmentionnés – qui s’infiltrent de plus en plus dans le monde du travail – les compétences qu’exige une entreprise changent aussi. Cachelin parle ici d’un «skill shift»: «Les entreprises ont besoin de compétences qui permettent d’utiliser les machines, et inversement, de celles qui nous différencient fondamentalement de la machine.» C’est ainsi qu’on demande aux collaborateurs de savoir manier les outils des nouveaux médias, les systèmes informatiques et ceux liés à la cybersécurité, mais on exige d’eux aussi de faire preuve de tact humain, de maîtriser les rouages des sentiments et des émotions. On sait déjà que dans le futur, une machine pourra poser un diagnostic de maladie et on verra le médecin jouer uniquement un rôle social.
D’autres métiers disparaissent complètement au profit de l’intelligence artificielle: robots, automates et machines à scanning prennent le relais sur les facteurs, les contrôleurs de transports publics et les caissières. «S’il est vrai que la digitalisation crée du travail, celui-ci devient plus exigeant.» Cette évolution conduit l’entreprise à créer de nouveaux rôles. Cachelin donne l’exemple de la banque: dans le futur, on verra s’affairer des alchimistes de données, des experts de cycles de vie et des officiers de la sécurité. Comment les collaborateurs peuvent-ils se positionner dans ce nouveau monde et réussir le grand virage? Avec le mot magique «réseau». L’individu peut mettre toutes les chances de son côté à travers le réseau, la formation continue à vie et la gestion du savoir. Les entreprises, quant à elles, devraient aménager leurs espaces, leurs rapports de travail, et leur forme d’organisation sur la base du principe de réseau.
Résumons:
Les RH offrent une plus-value au moment où
- elles deviennent capables d’anticiper le futur,
- elles reconnaissent en temps et en heure le besoin de développer des compétences,
- elles dynamisent les profils de métiers, les organigrammes, et les descriptifs de postes.
Facteur clé de succès no 3: considérer les RH comme des jardinières de l’écosystème
«La voie la plus simple pour cultiver le réseau se trouve dans l’aménagement de l’espace», affirme Cachelin. Être mobile au travail, à la maison ou dans des espaces de co-working requiert un environnement digital. Que veut-on dire par là? Qu’il faut rompre avec les départements et services par étage, avec les places de travail fixes, avec les hiérarchies et la routine. «Certaines entreprises ont bien effectué le virage, d’autres sont bloquées en raison d’un style de management traditionnel.» Selon Cachelin, il est temps de faire preuve de plus de courage, surtout au niveau de l’aménagement de l’espace, car il est facile de tester de nouvelles formes de travail pour ensuite en élargir la palette à d’autres domaines de l’entreprise.
Résumons:
Les RH offrent une plus-value au moment où
- elles augmentent le réseau dans l’organisation pour obtenir plus d’efficacité et d’intelligence,
- elles rompent avec les départements, la routine et les hiérarchies,
- elles reconnaissent la marque employeur comme une composante de l’environnement de travail.
La transformation numérique avance à grands pas. Les entreprises ont donc tout intérêt à s’y atteler le plus tôt possible pour ne pas rater le train en marche et être capables de participer plus tard à un monde digitalisé. Préparez-vous maintenant à cette évolution dans votre branche pour être prêts le moment venu!
À propos de Joël Luc Cachelin
Joël Luc Cachelin est le directeur de la «Wissensfabrik» (fabrique du savoir) qui accompagne et inspire les entreprises dans leur transformation numérique. Ce Bernois d’origine a étudié l’économie d’entreprise à l’Université de Saint-Gall et rédigé sa thèse de doctorat sur le futur du management. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la transformation numérique, dont le dernier «Update – Warum die digitale Gesellschaft ein neues Betriebssystem braucht» (Update – pourquoi la société numérique a besoin d’un nouveau système d’exploitation) est paru en 2016 aux Éditions Stämpfli.